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Non mais sans blague, CLOCLO ?
Je ne vais même pas essayer de vous mentir: je hais Claude François. Je le hais absolument, lui et tout ce qu’il incarne : son physique ridicule, son masque cireux, son sourire grimaçant, sa voix chevrotante, ses tubes de supermarché, ses chorégraphies moisies et ses fringues de plouc. Mais je ne suis pas fermé, et quand j’ai vu les critiques se prosterner de concert, puis des gens à peu près sensés encenser, je me suis dit pourquoi pas ?
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Je ne sais pas qui sont ces gens ni qui les paie, mais l’arnaque est de taille. Cloclo: The Movie est un biopic -ce genre anticinématographique en diable qui fleurit sur nos écrans comme les récompenses sur les cheminées de ses interprètes grimés- mais un biopic de la pire espèce, de ceux qui s’emploient à raconter toute la vie de leur protagoniste, de la naissance à la mort. Bâti sur des antiscénarios qui se contentent d’enfiler les événements sans le debut d’une idée de construction dramatique, ces biopics fonctionnent sur le mode suivant :
Alors il est né, et après il s’est passé ça, ensuite ça, après ça, et puis après ça, et évidemment ça, et enfin ça, et puis il est mort. FIN.
Cloclo ne cherche à aucun moment à faire exception à la règle : TOUT y passe. De la voyante qui annonce à Maman Cloclo que le nom de son fiston sera écrit en lettres de feu, à l’évenement-traumatisant-qui-marquera-toute-sa-vie (son papa le fout dehors parce qu’il ne veut pas d’un fils saltimbanque), en passant par l’inénarrable moment-clé où il compose son tube phare en regardant les nuages (Comme tous les joou-reus… Non… Comme d’habitu-deuuu… Ca sonne mieux!), ou encore l’obligatoire scène ou son épouse éplorée lui assène ses quatre vérités sur son comportement de cochon, aucun cliché biographique ne nous est épargné. Pire que tout, à vouloir éviter à tout prix la redoutée hagiographie, le film nous présente un bonhomme si abominable qu’il finit par s’auto-détruire sous nos yeux : car en fin de compte, ce faiseur de fric éhonté, crétin et d’une vulgarité à pleurer, dépourvu de tout talent observable si ce n’est celui d’adapter en français de tubes déjà testés, qui se révèle en plus être un odieux pervers narcissique, justifie-t-il jamais d’être le sujet de film de 2h30 ? Se gardant bien de porter un jugement sur sa sacro-sainte discographie, le film se contente de nous révéler que Cloclo fut la victime de sa propre pathologie : maniaque depuis l’enfance, il ne pouvait évidemment pas résister à l’impulsion de revisser une ampoule en prenant sa douche. Si ça c’est pas de la tragédie.
Spécialiste du film d’action bourrin parachuté dans cet univers de paillettes et de brushings terrifiants, Florent-Emilio Siri tente de sauver sa réputation à coup de plans-séquences aussi spectaculaires que gratuits, qui n’ont d’autre but que d’alerter le spectateur sur sa virtuosité et confirment la vacuité absolue de son style, qui se limite à assembler des montage séquences sur les chansons appropriées : Cloclo a 17 ans ? 17 ans ! On est en 1962 ? Cette année-là ! Cloclo est mal aimé ? Le mal aimé ! (Sans doute conscient que Comme d’habitude est le seul morceau potable à sa disposition, il nous l’inflige pas moins de 4 fois.)
Mais quid de la PERFORMANCE, seule raison d’être de tout biopic qui se respecte ? Dès les premiers instants, on s’inquiète pour Jérémie Rénier, à qui le scénario impose bêtement de jouer les gamins de 17 ans alors qu’il a dépassé la trentaine. Mais après s’être relevé non sans peine de ce premier acte inconfortable, il parvient à s’extraire de ce guet-apens avec toute sa dignité, excellant à humaniser sans jamais l’édulcorer ce personnage à la fois repoussant et désespérément plat. On ne peut pas en dire autant de Benoît Magimel, qui a planqué trois polochons sous sa chemise et s’est collé la perruque de Weird Al Yankovic sur la tête pour jouer le producteur Paul Lederman. Nul doute que Benoît avait en tête le Sean Penn frisoté de Carlito’s Way, mais avec son allure grotesque et son accent pied-noir tout droit sorti du Bébête Show, il semble plutôt mûr pour jouer le mari de Michèle Laroque dans Comme t’y es belle 2: Retour au Normandy.
Gageons que Cloclo vaudra malgré tout à son interprète le César du meilleur acteur l’année prochaine, l’imitation étant devenue ces jours-ci le raccourci le plus infaillible pour être intronisé acteur de génie. L’ironie, c’est que Jérémie Rénier a toujours été un excellent acteur, et qu’il n’a jamais reçu le quart de l’attention qu’il reçoit ces jours-ci pour des performances pourtant largement plus intéressantes chez les frères Dardenne ou François Ozon. Idem pour Julianne Moore, dont la récente interprétation de Sarah Palin dans le téléfilm Game Change a mis à genoux la critique US, et lui vaudra sans nul doute la moisson de prix que n’ont jamais réussi à lui obtenir ses extraordinaires créations originales dans des oeuvres telles que Loin du Paradis, Boogie Nights, The Big Lebowski ou Magnolia.
Après tout, à quoi sert d’être un génie au talent incomparable quand on peut être Didier Gustin ?